· 

La prostitution et la littérature

 

La prostitution constitue à ce jour l’une des professions les plus ancestrales de nos sociétés. Souvent décriée, mais également sujette à la critique elle rythme depuis des millénaires, la vie et les actions de l’Homme sur Terre. Quelle influence, celle-ci exerce-t-elle sur la littérature ?

 

Omniprésente dès les premières années de civilisation, la prostitution aura tenu au cours de notre histoire un rôle majeur ; elle sera parvenue à réaliser l’exploit d’influencer l’ensemble des arts majeurs, du dessin, à la littérature tout en passant par la musique. Le métier de « prostituée » est quant à lui polysémique ; quelle différence effectuons-nous entre une courtisane fortunée et une fille arpentant un trottoir ?

 

Le premier à avoir introduit cette notion en littérature n’est autre que l’auteur de La Politique, à savoir Aristote. Au IVe siècle avant JC ce dernier entendait alors par « péripatéticien », un simple disciple de son école qui aimait à se balader en discutant. Suite à cette intronisation, la notion va rapidement perdre de son sens comme le prouvent les écrits successifs de l’auteur latin Plaute qui mettra en scène la vie de d’une courtisane qui se joue de l’amour de ses prétendants. L’Antiquité marque donc le berceau de la prostitution en littérature, puisque c’est à partir de cette époque, que cette dernière va peu à peu se vulgariser et se démocratiser.

 

Au Moyen-âge, alors que les religions monothéistes règnent en maîtres sur le monde occidental, la prostitution va connaître une forte expansion et un fort développement. En effet, pour cause, la législation en faveur des maisons closes dans certains royaumes, comme en France, ou bien encore le développement de la notion de sexe tarifé. C’est ainsi que de nombreux auteurs vont en profiter pour diffuser de nombreux écrits hostiles et méprisants à l’égard de ces travailleuses de sexe, qui au delà d’être des prostituées, sont des femmes. Au delà de s’en prendre à une travailleuse de sexe, la visée première est alors de s’en prendre à la femme elle-même. Jean de Meung dira même à ce sujet : « Toutes êtes, serez ou fûtes, de fait ou de volonté, des putes » . On constate donc que l’ère médiévale, aura été marquée certes par les prémices d’une reconnaissance sociale de la prostitution, mais également par un blâme total de la part de certains écrivains rigoristes. Il est néanmoins à noter que ces procès d’intention ne pourraient être basés sur l’enseignement dispensé par l’Eglise catholique. En preuve, plusieurs passages des Evangiles (cf Luc 7.36-8.3), ou bien encore le fait que la légalisation des maisons closes évoquée ci-dessus ait été opérée par Saint-Louis, Roi de France.

 

La libéralisation sociale qui caractérise la Renaissance et le siècle des Lumières, aura permis de faire évoluer considérablement l’image associée aux travailleuses de sexe. En effet, dès le XVIe siècle, les écrits obscènes fleurissent sous l’impulsion d’écrivains européens tel que Pierre l’Aretin. Ces esprits littéraires révolutionnaires, n’hésitent pas à placer les prostituées au centre de leurs écrits afin de rompre et briser le carcan de sociétés aristocratiques. On peut alors citer Nanna, qui deviendra par la suite une véritable figure de la prostitution dans la littérature.

Au XIXe siècle, après une large banalisation, la prostitution devient un véritable sujet de société. Loin de faire l’unanimité dans une société où le peuple souffre, la prostitution verra néanmoins des voix se lever pour la défendre, comme Victor Hugo qui le fera au nom de la justice sociale et d’une certaine idée de l’humanisme. C’est ainsi que nous relevons par exemple au sein des Misérables, des figures comme Fantine qui permettront à l’écrivain de mener des combats politiques forts en faveur de la lutte contre la misère. Il affirmera en ce sens : « On dit que l'esclavage a disparu de la civilisation européenne. C'est une erreur. Il existe toujours, mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s'appelle prostitution. ».

Plus tard se seront Balzac, Zola, Huysmans, Maupassant, Dumasqui caractériseront à leur façon les différents degrés hiérarchique du « plus vieux métier au monde » ; demi-mondaines, filles de rue, courtisanes de salon…

Baudelaire, quant à lui, entretiendra des liens très particuliers avec la prostitution. Il côtoiera tout au long de sa vie de nombreuses prostituées, et fréquentera de nombreux bordels qui constitueront pour lui, lors de l’écriture des Fleurs du Mal, une véritable source d’inspiration.

 

Le XXe siècle verra fleurir les autobiographies de prostituées. Nous pouvons citer Le journal d'un voleur de Jean Genet, Prostitution de Pierre Guyotat, ou bien encore Les Chiennes savantes de Virginie Despentes. 

Enfin, le XXIe siècle quant à lui, s’efforce de résoudre les aspects non résolus de cette profession pratiquée à ce jour par près de 50 000 personnes en France. Michel Houellebecq publiera à ce sujet, le roman Platefome qui traite des enjeux du tourisme sexuel en Thaïlande, dans une société où le sexe semble avoir remplacé l’amour.

 

 

In fine, nous pouvons affirmer que la prostitution aura été une véritable source d’inspiration pour la littérature à travers le temps. Source de débats, de réflexions, et de blâme, celle-ci ne semble encore aujourd’hui, ne pas avoir fini de laisser parler d’elle…

 

N.R