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La littérature de l'absurde

Vous vous réveillez comme tous les matins dans votre petit lit douillet. Vous décidez de vous lever afin de vous préparer un petit déjeuner quand, tout d’un coup, la police vient à votre porte pour vous dire que vous êtes coupable. « Coupable de quoi ? » demandez-vous légitimement à ces messieurs : ils ne savent pas. Comme personne ne le sait, on vous laisse en liberté mais un procès est toujours devant vous. Vous êtes convoqué par les meilleurs inspecteurs et juges, et c’est ainsi que vous décidez de prendre un avocat pour vous défendre. Malheureusement, vous êtes bien jugé coupable, et êtes enfermé dans l’une des prisons les plus sécurisées du pays. 

 

L’absurde, terme souvent ambigu pour beaucoup de personnes, du latin absurdus signifiant « dissonant », désigne le contraire de la raison, du sens commun, de la logique, ou en d’autres termes, quand l’existence n’est pas justifieé, elle est alors absurde. Les mathématiques utilisent également l’absurde afin de montrer qu’une propriété est fausse lorsque celle-ci ne peut être justifiée. L’histoire précédente, une alternative du livre Le Procès de Kafka, est absurde par l’apparition de la question : « Pourquoi a-t-il un procès ? » qui n’obtient finalement aucune réponse puisque personne ne le sait. Il est absurde de créer des histoires absurdes et pourtant, la plupart des histoires, même hors de la littérature, sont absurdes. Alors pourquoi se baser dessus ? Qu’apporte-t-il aux lecteurs, spectateurs ? 

 

L’absurde est un mouvement littéraire qui émerge après la seconde guerre mondiale. Les traumatismes sont crées, des phobies sont formées, les morts sont multipliés : cette phrase nous laisse observer une chute d’humanisme considérable. Face à un tel constat, la sphère artistique ne fait confiance à personne : ni les chefs d’Etat, ni les soldats, ni les hommes de foi n’ont été capables d’éviter la mort de soixante millions d’Hommes. La guerre est alors perçue comme une expérience dénuée de sens chez les écrivains ; la mort devient-elle la seule certitude ?

 

Camus écrit dans ce contexte L’Etranger en 1942, roman décrit comme étant un pilier du mouvement de l’absurde. L’histoire est simple : un homme vit dans une société pour finalement y chuter petit à petit. Dans quel but ? Cette personne est dénuée de sensibilité. Cet homme ne ressent ni l’amour, ni le deuil, ni la tristesse. L’auteur marque alors l’absurde par sa première phrase symbolique : « Aujourd’hui, maman est morte, ou peut être hier, je ne sais pas ». L’Etranger dénonce la société en expliquant qu’elle évolue constamment dans un contexte d’hypocrisie sociale ; comme le personnage n’a pas envie de se simplifier la vie en faisant appel au mensonge, alors il se laisse transporter par la société qui ne lui concède aucun cadeau, aucune victoire. A la fin, celui-ci meurt, mais en harmonie avec la vérité. Camus explique lui même sa philosophie : pour lui, l’absurde est la confrontation entre le désir de comprendre de l’Homme et le silence du monde. Elle n’est alors pas dans l’Homme ou dans le monde, mais dans leur présence commune. Par la suite, il surenchérit en affirmant que l’absurde réside dans notre existence : pourquoi donner un sens à notre vie si l’on est destiné à mourir ? Avant de vous suicider, laisser moi vous faire voyager un peu.

 

Franz Kafka est un écrivain allemand du début du XXème siècle, connu notamment pour son univers assez dérangeant et unique, tellement unique qu’il porte son propre adjectif : « kafkaienne ». Il écrit d’abord La Métamorphose en 1915, puis Le Procès en 1925. Le premier est plus dégoûtant qu’absurde? Néanmoins, le fait que son personnage principal soit plus occupé à travailler, plutôt qu’à savoir pourquoi il est un insecte, nous fait prendre conscience d’une similitude frappante : nous l’associons à l’Étranger de Camus. En effet, Kafka, par l’absurde, montre que le monde est vide par son hyper-rationalisme (doctrine qui pose la raison comme source principale de toute connaissance). Ici le rationalisme se caractérise par le travail. Dans Le Procès, le rationalisme est la société. L’absurdité de la situation rend fou le personnage principal, le laissant peu à peu croire qu’il est réellement coupable ; il devient alors dominé par la société. 

 

Le mouvement de l’absurde est un excellent moyen qui permet à une oeuvre de remplir simultanément deux fonctions, à savoir : divertir et réfléchir. L’absurdité frôle le fantastique en restant toujours sur une base réelle, alternant différents genres en même temps, ce qui est plaisant pour le lecteur : il peut lier son expérience et pourtant être dans une thématique fantastique. Celle-ci fait alors rêver, on se dit que l’absurde pourrait également nous tomber dessus. Mais l’absurdité est surtout choisie afin de dénoncer un acte, une existence, et c’est notamment la société judiciaire qui en essuie le plus souvent les coups. L’absurde constitue également un sujet philosophique, dans la mesure où il dépasse les limites de la logique, et donc de notre pensée. L’absurde est aujourd’hui encore énormément apprécié. Netflix a réussi à s’imposer en partant sur des séries/films quelques peu absurdes ; Black Mirror en est l’exemple le plus flagrant, ou bien encore The Platformer, un film tout récent. Peut-être que dans cet amas d’incompréhension totale se cache une vérité d’une lourde importance, capable d’obtenir de nous une nouvelle perception de la société et de la vie ? Complètement absurde tout ça.

 

 

Nota bene : J’ai écrit que les personnes avaient du mal à comprendre ce qu’est l’absurde étant donnée qu’il s’agit d’un terme complique et précis, ce qui constitue un pur délice pour les philosophes comme Jean Paul Sartre. Après avoir trouvé beaucoup de définitions différentes sur l’absurde, je me trouve plus confus qu’avant : est ce que le fantastique est absurde ? Je me laisse penser que non, l’absurde est pour moi quelque chose qui pourrait être normal mais qui ne l’est pas au vu de la situation. Juger quelqu’un de coupable est normal, mais pour aucune raison, l’absurdité apparaît. Si je vous disais qu’un phœnix de feu existe, c’est un élément de base non-normal, il est alors relatif au fantastique. L’étrange surprend l’esprit, il intrigue la personne mais ne la laisse pas sous le choc, il ne la laisse pas seule. L’absurde, lui, entraîne la folie. Est ce qu’une dystopie/utopie est absurde ? A vous de vous faire votre propre opinion sur le sujet, de dire ce qui est absurde, ou non.

 

M.A