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Franc-maçonnerie en littérature

La Franc-maçonnerie ne cesse de faire l’objet de controverses depuis le début de sa création au début du XVIIIe siècle ; celle-ci étant maintes fois critiquée, voire blâmée. Qualifiée autrefois de “secte” celle-ci désigne en réalité une société discrète, une sorte d’assemblée réunissant des Hommes de conditions sociales différentes ; elle accueille non seulement des catholiques, des protestants mais également des juifs, des musulmans ainsi que des agnostiques… Le recrutement des membres se fait par cooptation : les maçons actuels choisissent les nouveaux membres. Étymologiquement, les profanes, du latin « pro fanum » signifiant littéralement  « devant le Temple », deviennent des initiés « in itum », c’est-à-dire « sur le chemin ». D’abord réservée aux hommes, la franc-maçonnerie s’est petit à petit féminisée. D’une influence considérable au niveau politique, intellectuel, ainsi que littéraire, celle-ci perdure, comptant à l’heure actuelle plus de cent mille initiés en France !

 

 

Tout d’abord, nous pouvons noter que la Franc-maçonnerie aura été très présente au cours du siècle des Lumières et à la croisée de la Révolution Française : La Fayette, Mirabeau ou encore le Duc d’Orléans en sont membres. Elle compte également de nombreux écrivains et philosophes ; on trouve en effet plus de mille loges en France à la fin des années 1780 ! Nous pouvons citer la célèbre initiation de Voltaire au sein de la loge des Neufs Sœurs, affiliée au Grand Orient de France ; cette dernière, fondée en 1776 par Helvétius et l’astronome Joseph Jérôme Lalande, rassemble alors les grandes élites françaises et européennes. Elle est également rendue célèbre pour son rôle joué dans le soutien français à la guerre d’indépendance américaine. La loge avait pour but la création d’une société charitable œuvrant pour la défense des innocents (les victimes d’erreurs judiciaires par exemple), la réforme des lois pénales ainsi que la culture des arts, des lettres et des sciences. En loge, les membres des Neuf-Soeurs avaient l’habitude de présenter leurs travaux littéraires (textes, récits, poèmes), d’interpréter leurs œuvres musicales, ou encore de rendre hommage à des personnages célèbres. Une des maximes de la loge fut même : “Que sont les Sciences et les Arts sans la vertu ? ”.

C’est ainsi que de nombreux symboles maçonniques se cachent dans des œuvres diverses, de toutes époques ; c’est l’exemple de la Flûte enchantée de Mozart, qui fut lui aussi franc-maçon. Quant aux écrivains européens, on trouve Oscar Wilde, initié à l’« Apollo University Lodge », basée à l’Université d’Oxford ou encore le célèbre Arthur Conan Doyle, auteur à succès des Aventures de Sherlock Holmes. L’ésotérisme et le mystère de ces récits proviennent tout droit du mode de vie de l’auteur, fervent franc-maçon et spiritiste. Il est vrai que chez lui, ont lieu de nombreuses séances de spiritisme, dont il ne se lasse pas car il est convaincu du réel pouvoir de ces pratiques occultes. Dès lors, il rédige plusieurs ouvrages traitant de celles-ci, comme Study in Scarlet, qui lui vaut un grand succès ; l’année de sa publication, il est reçu à la Phoenix Lodge, à Portsmouth. Il est probable que l’atmosphère et les caractéristiques des loges l’aient inspiré au niveau littéraire.

 

Or, la Franc-Maçonnerie est également grandement critiquée : la littérature contribue à véhiculer la prolifération d’accusations à son égard. En effet, beaucoup écrivent sur la supposée relation de l’institution avec le diable, l’accusant de pratiques occultes, sataniques. Au XXe siècle, Aragon et Breton publient une pièce de théâtre, Le Trésor des Jésuites, dénonçant alors l’influence de l’ordre maçonnique, qu’il faudrait selon eux combattre, tout comme l’Église. Cette vision péjorative de la Franc-Maçonnerie s’impose peu à peu. 

Guy de Maupassant critique cette institution dans Mon oncle Sosthène, une nouvelle publiée la première fois le 12 août 1882, dans le quotidien Gil Blas, qu’il signera du nom de « Maufrigneuse » utilisé pour ses textes polémiques. Pour résumer l’intrigue, Sosthène, un franc-maçon antireligieux, se convertit au catholicisme, déshérite son neveu et fait don de son héritage à son obédience. Dès le début, le narrateur demande au personnage éponyme pourquoi les chefs des maisons régnantes d’Europe sont francs-maçons.

 

 

Nous constatons donc que la Franc-Maçonnerie et la littérature ne sauraient être dissociées au vu de leur histoire commune. Effectivement, la seconde aura permis à la première la diffusion de ses réflexions novatrices, mais également une exposition aux critiques les plus virulentes. Témoins de leur temps, témoins du génie des Hommes, c’est à l’alliance de ces-dernières que nous devons les écrits de Montesquieu, du Marquis de Sade, de

Stendhal, ou bien encore de Jules Vallès.

 

 

E.L